Partant de rien, le PaG s’est avant tout donné comme objectif de réaliser des diagnostiques sur les besoins et pratiques de ces communautés, tout en lançant certains protocoles de suivi (IKA). Depuis 2010, le PAG a lancé plusieurs grands programmes participatifs auprès des chasseurs et des pêcheurs :
- Des enquêtes de chasse journalière sur 24 mois et sur tout le territoire du PAG.
- Une conduite d’ateliers avec les habitants pour mettre en relief toutes les questions socioéconomiques et culturelles liées aux animaux chassés et aux poissons pêchés.
- Des enquêtes de débarquement de pêche et des entretiens sur les pratiques et représentations des pêcheurs sur leur milieu et leurs pratiques.
En 2019, grâce à ces programmes mis bout à bout depuis 2011, le PAG pouvait estimer avoir du mieux qu’il pouvait, atteint les objectifs qu’il s’était fixé en matière de diagnostic socio-antropologique autour de la chasse et de la pêche notamment sur le Haut-Maroni, à mettre en relation avec les données écologiques qu’il a également récoltées.
Les équipes du PaG étaient ainsi prêtes pour passer à l’étape suivante, celle de la discussion autour de ces résultats pour préparer un avenir éco-sociologique équilibré et pérenne, par la co-construction de mesures de gestion.
Ces objectifs sont inscrits dans la charte du Parc amazonien de Guyane ainsi que dans sa stratégie scientifique mais sont aussi et surtout attendus par un certain nombre d’habitants du territoire. Ils sont au cœur du projet Terra Maka’andi financé par l’Union Européenne (Fond FEDER), la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG) et le Direction Générale des Territoires et de la Mer (DGTM).
Afin de favoriser l’engagement de tous, des méthodes participatives innovantes ont été mobilisées tout au long du projet avec les habitants. Mise au cœur du programme, la consultation participative sous format collégial constitue l’arc-de-voûte du projet en vue de faciliter le discernement des problématiques écologiques locales liées à l’utilisation quotidienne des ressources naturelles, appréhender davantage la perception de ces enjeux par les populations en les croisant avec les perceptions institutionnelles et parvenir à dessiner les modalités possibles de régulation d’utilisation de certaines ressources.
Dans une perspective de consolidation d’étroites interactions avec la population locale tout au long du projet, et dans un souci de faciliter le recueil des impressions et ressentis, des équipes locales ont été constituées dans chaque territoire, composées chacune d’un ou de deux médiateurs. Un premier volet du programme s’est ainsi articulé autour du renforcement de compétences de sept médiateurs pour la plupart originaires des différentes communautés, afin qu’ils prennent en charge l’animation des ateliers et la partie empirique de l’enquête, supports des deux autres grands volets ayant charpenté le programme.
Accompagnés par une coordinatrice, l'équipe de médiateurs a pris en charge l’animation des ateliers et la partie empirique de l’enquête, supports des deux autres grands volets ayant charpenté le programme : une acquisition de connaissances sur les représentations de la raréfaction des espèces et, d’autre part, la mise en place d’une organisation collective et collaborative sur l’encadrement de gestion des enjeux mis en évidence.
Après relecture et analyse générale de l’ensemble des éléments recueillis à partir d’une approche qualitative deux diagnostics ont pu être proposés :
Quelques actions phares :
Gestion des tortues podocnémides et des iguanes
Tout comme les scientifiques, les chefs wayãpi ont constaté la raréfaction de plusieurs espèces inféodées aux fleuves (les tortues podocnémides, les iguanes et les caïmans). Ils ont alors tenté de lancer de premières actions en vue de stopper les prélèvements des adultes d’iguanes et de podocnémides, ainsi que leurs œufs, pendant au moins trois ans.
Répondant à cet appel, des agents du Parc amazonien ont lancé une première action concrète, accompagnés d’un médiateur. En aout 2023, ils ont rencontré les habitants de chaque village, pour leur exposer le projet délibéré par leurs chefs et en discuter ensemble pour une validation plus large. Les participants aux réunions ont accueilli le projet avec bienveillance et ont validé la pose des panneaux.
Ils ont donc été installés sur six sites de pontes, entre Trois-Sauts et Carbet Mitan.
Parallèlement à la parole des habitants, le Parc s’engage à assurer le suivi scientifique des deux espèces, afin d’évaluer si les mesures prises ont un effet positif sur leurs populations. Le tout premier relevé n’avait pas permis de constater de baisse des prélèvements d’œufs encore. Il s‘agissait d’une crainte forte, exprimée par les chefs coutumiers eux-mêmes. Sur la base de ce bilan, les discussions pour renforcer les actions seront reprises en 2024, accompagnées d’un travail de communication de proximité renforcé pour les deux prochaines années. Cela s'est traduit par la mise en place d'actions de surveillance conjointe PAG/Habitants.
Cette initiative communautaire de mise en place de mesures de gestion de ressources naturelles est une première au sein du parc national et plus largement en Guyane.
Évaluation des ressources forestières de Trois-Sauts
La ressource en bois d’œuvre locale exploitée et gérée aujourd’hui par une micro-filière en structuration à Trois-Sauts, permet-elle de répondre, à moyen terme, aux besoins en bois pour la construction locale ?
C’est pour répondre à cette question qu’une stagiaire en fin d’études d’ingénieur de l’École supérieure d'ingénieurs en agro-développement international d’Angers (Istom), a passé cinq mois au Parc amazonien. Elle a séjourné à deux reprises à Trois-Sauts pour y mener des entretiens et des inventaires forestiers. Elle a notamment été accompagnée d’un agent du Parc, qui lui a permis de rencontrer ses homologues des différents villages et l’exploitant forestier-scieur-construction formalisé de Trois-Sauts.
Toutes les données collectées ont permis de confirmer l’inquiétude des habitants, exploitants-scieurs, et structures publiques et associatives prévoyant des constructions quant à la présence insuffisante de bois de classe d’emploi IV notamment.
Lors du programme Terra Maka’andi, les habitants avaient soulevé les problématiques d’accès aux ressources forestières, tant pour la construction bois que pour l’artisanat. Ce stage fait suite à ces questionnements ainsi qu'à plusieurs travaux menés par le Parc dans un objectif d’appui à la structuration d’une micro-filière mais aussi de co-construction de modes de gestion durable des ressources forestières avec les communautés.
Les inventaires devraient se poursuivre et concerner d’autres usages que le bois de construction et une réflexion collective pourra être animée localement pour poser d’éventuelles pistes de solutions en termes de gestion de la ressource bois.
Suivi du kwata par drone : des tests prometteurs pour un suivi d’une espèce à forts enjeux
Des tests pionniers en Guyane et dans le monde : il s’agit du suivi, par drone thermique, du singe atèle (Ateles paniscus), aussi appelé kwata. Cette espèce est en effet ressortie comme prioritaire dans le cadre du programme, en raison des prélèvements (notamment culturels) dont elle fait l'objet. Il convient donc de trouver des méthodes fiables de suivi pour connaitre l'état de santé des populations.
Après un état des lieux des connaissances sur l'espèce en 2021, des tests de suivi ont démarrés fin 2022 aux Nouragues et se sont poursuivis en mars 2023, avec deux nouvelles missions pilotes. Accompagnée d’un droniste, la chargée de mission Faune du Parc a d’abord mené un test préliminaire au Zoo de Guyane afin de travailler sur un environnement semi-contrôlé, où le nombre, l’emplacement et la composition des groupes sont connus, facilite l’étude de certaines variables et l’obtention de données graphiques.
Par la suite, c’est à Saül que la chargée de mission et d’autres agents locaux du Parc ont optimisé la méthode sur le terrain sur des individus sauvages et dans des conditions naturelles. Saül présente plusieurs avantages : une forte densité d’atèles ; de nombreux sentiers et donc un accès plus facile ; et des données historiques de densités de grande faune. Le drone a alors survolé la canopée (au coucher du soleil) suivant des lignes de prospection précises, pendant que des agents parcouraient le même transect à pied : dès qu’une des deux équipes voyait des atèles, elle le communiquait à l’autre, via talkie-walkie, puis les individus étaient comptés. Sur cinq sessions drone, des groupes d’atèles ont été détectés à trois reprises (en plus d’autres espèces).
Les résultats de l’étude sont prometteurs mais les contraintes du terrain guyanais sont fortes et les spécificités de l’espèce rendent encore difficiles le dimensionnement d’un suivi fiable et robuste.
Le bilan global du programme :
Financeurs du programme :