Différents cadres de gestion des forêts existent sur les territoires du Sud et se conjuguent avec des pratiques qui sont elles-mêmes en pleine mutation du fait de l’évolution des modes de consommation et de production. L’autoproduction de bois cohabite avec l’émergence de filières commerciales d’exploitation de bois d’œuvre ; des outils de production légers pour le sciage se conjuguent avec le développement d’outils plus performants et la collecte ponctuelle de bois s’articule avec l’attribution de parcelles d’exploitation aux entreprises.
L’utilisation ancienne des forêts par les communautés et l’histoire récente de la départementalisation de la Guyane ont conduit à une gestion effective des forêts à l’interface entre droit coutumier et droit français, selon des schémas différents selon les bassins de vie. Du point de vue administratif, la quasi-totalité de ces forêts sont du domaine privé de l’Etat. Du point de vue historique, elles ont été utilisées, gérées voire appropriées par des membres des communautés selon le droit coutumier depuis des millénaires.
Plus récemment, la départementalisation, l’adaptation du code forestier à la Guyane en 2005 et la création du parc national en 2007 ont introduit une réglementation relevant du droit français sur ces forêts. Le droit coutumier connaît lui aussi des évolutions au regard de l’évolution des pratiques et modes de vie.
Les zones de gestion forestière
A ce jour, trois grandes zones peuvent se distinguer en termes de gestion forestière selon le droit français :
- La zone de cœur de parc où la gestion est confiée au parc national.
Cette zone constitue une zone de protection dans laquelle les prélèvements sont interdits, sauf autorisation spéciale du directeur. Les communautés d’habitants et résidents des territoires concernés par le PAG bénéficient de dispositions particulières qui leur permettent d’exercer l’abattis-brûlis et de prélever les ressources naturelles nécessaires à leurs activités de subsistance et activités artisanales (Articles 19 à 25 du décret de création du PAG) -
L’aire d’adhésion où le droit commun s’applique.
La gestion reste confiée à l’Office National des Forêts, comme pour les autres forêts du domaine privé de l’Etat de Guyane. Néanmoins, les forêts situées en aire d’adhésion ne relèvent pas du régime forestier étant donné qu’elles ne sont pas intégrées au Domaine Forestier Permanent. Dans ces forêts, l’ONF est en train de définir le cadre de gestion afin de pouvoir assurer l’aménagement et la gestion durable des forêts.
- Les zones soumises aux Droits d’Usages Collectifs selon le décret 87-287 du 14 avril 1987.
Ces zones, préexistantes à la création du PAG, se superposent avec la zone de cœur et l’aire d’adhésion. Le décret de création précise que sauf indication contraire, ces zones ne sont plus soumises à la gestion par l’ONF. Ainsi, il est considéré que dans les 4 zones de droit d’usage collectif comprises en aire d’adhésion ou en cœur de parc, la gestion est confiée aux communautés d’habitants.
Dans ces zones, l’article R.170-56, « constate au profit des communautés d’habitants tirant traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt l’existence sur les terrains domaniaux de la Guyane des droits d’usages collectifs pour la pratique de la chasse, de la pêche et, d’une manière générale, pour l’exercice de toute activité nécessaire à la subsistance de ces communautés ». En application de ce décret, la constatation de ces droits est faite par arrêté. « L’arrêté détermine la situation, la superficie et la consistance des terrains, rappelle l’identité et la composition de la communauté d’habitants bénéficiaires et précise la nature des droits d’usage dont l’exercice est reconnu ». Ainsi, les droits de prélèvement des ressources sont attribués de manière exclusive au profit des communautés visées par les arrêtés.
Que l’on se situe en ZDUC ou non, le droit français se conjugue avec le droit coutumier chez les différentes communautés amérindiennes et dans la communauté aluku, en particulier pour les prélèvements de ressources à usage domestique.
Ainsi, en fonction des modalités d’appropriation des espaces agro-forestiers, différentes règles non formalisées d’accès aux ressources existent.
Ces différentes situations soulèvent des enjeux majeurs pour la préservation des ressources naturelles et pour le développement des activités économiques basées sur le prélèvement des ressources naturelles (exploitation de bois, chasse, pêche, artisanat) ou l’occupation du sol (agriculture, tourisme).
Le parc national contribue aux processus d’adaptation des politiques publiques dans ce domaine selon des approches différenciées en fonction des contextes présentés ci-dessus.
Exploitation des ressources ligneuses
Le bois est un matériau exploité de tout temps par les communautés présentes sur le territoire pour de multiples usages : habitat individuel, carbets collectifs, pirogues, objets d’art, mobilier, ustensiles de cuisine… L’évolution des modes d’habiter, de consommer, de produire et l’arrivée de nouveaux moyens de production conduisent à de nouveaux usages du bois et de nouvelles pratiques qui se conjuguent avec les pratiques traditionnelles.
Bois d’œuvre
Dans le domaine de la construction, l’évolution des modes d’habiter conduit à une évolution des pratiques et des ressources utilisées. L’habitat traditionnel aluku et créole mobilisait essentiellement du bois scié et quelques pièces de bois ronds. L’habitat amérindien traditionnel (sur l’Oyapock et le Maroni) mobilisait exclusivement des bois ronds ou bois fendus. De nos jours, le bois rond reste utilisé pour les carbets cuisine ou les carbets collectifs chez les amérindiens et les aluku mais les habitations sont construites en bois sciés sur tous les bassins de vie. Ces nouveaux modes constructifs appellent à mobiliser de nouvelles techniques de production de bois chez les amérindiens.
A ces nouveaux besoins s’ajoutent l’arrivée de nouveaux moyens de production, à des rythmes différents selon les bassins de vie. Ainsi, à Maripa-Soula, Papaïchton et Saül, les scies de long et haches ont laissé place aux tronçonneuses et gruminettes, complétées ces 20 dernières années par des scieries à lame chez les professionnels. Au-delà de l’augmentation des rendements, ces nouveaux outils permettent d’exploiter une plus grande diversité d’essence : là où les exploitants se concentraient sur le sciage de bois tendres (Acajou, Cèdre, Cèdre Sam…), l’exploitation s’est maintenant tournée vers des essences à bois plus dur (Angélique en particulier).
Enfin, l’augmentation des populations entraîne une augmentation des besoins à la fois pour l’habitat des particuliers et pour répondre aux besoins croissants en infrastructures publiques. Bien qu’on observe une tendance à la construction en dur à Maripa-Soula bourg et Papaïchton, le bois reste un matériau dominant dans la construction sur les différents territoires. De plus, la commande publique est consommatrice avec la construction de bâtiments à dominante bois (Etablissements scolaires, culturels, bureaux…). Dans les sites plus isolés (Camopi, Trois Sauts, villages amérindiens du Haut Maroni), le bois reste aussi majoritaire dans l’habitat.
Dans un contexte de changement dans les différents bassins de vie, plusieurs modes d’exploitation du bois se conjuguent sur le territoire du PAG en fonction des marchés existants et des conditions physiques d’accès à la ressource. Quelques habitants seulement produisent eux même leur bois pour la construction. Les entreprises productrices de bois se concentrent à Maripa-Soula bourg (3 unités), Papaïchton (2 unités) et Saül (2 unités). Elles combinent systématiquement exploitation de bois et sciage. A ce jour, toute la production est effectuée en forêt, avec utilisation de scies mobiles et transport de bois scié vers les bourgs essentiellement par voie terrestre pour la vente (unité de production hors forêt avec scie fixe en cours de structuration à Maripa-Soula.
Dans les sites plus isolés des territoires amérindiens (Haut Maroni et Haut Oyapock), des porteurs de projets émergent pour répondre aux besoins des particuliers et de la commande publique (renvoie vers actions Microprojets + formations). Dans ces zones, à ce jour, l’exploitation et le sciage sont effectués en forêt avec utilisation de gruminettes (photo sciage gruminette) et transport de bois scié vers les villages essentiellement par voie fluviale. Ainsi, l’exploitation se concentre le long des fleuves pour faciliter le transport du bois à dos d’homme jusqu’aux berges. Les conditions d’accès à la ressource et les marchés restreints expliquent qu’à ce jour les porteurs de projet n’investissent pas dans du matériel de sciage plus performant.
Bois d’artisanat
Le bois est aussi utilisé pour l’artisanat (objets d’art, mobilier, ustensiles) et la fabrication de pirogues. Dans ce cas, le bois est généralement exploité par les artisans eux même (renvoie articles patrimoine bâti, patrimoine mobilier pour détail sur les produits). Pour les pirogues, l’arbre est abattu en forêt et creusé sur place avant d’être transporté vers les villages pour finaliser la construction. Pour l’artisanat, l’arbre est abattu et le bois prélevé au fur et à mesure au gré des besoins.
Bois de chauffe
Le bois de chauffe reste largement utilisé pour la cuisine quotidienne dans les villages amérindiens et pour la cuisson du couac et les bains dans les villages aluku. Il est généralement produit dans les abattis à partir des rémanents de coupe. A Maripa-Soula, il existe une entreprise de production de bois de chauffe qui vend essentiellement du Gombé (bois anguille), essence particulièrement appréciée pour ses pouvoirs calorifiques et exploitée le long des berges.