La capitale du pays boni était en fête ces samedi 6 et dimanche 7 juillet. Des mariages, des puu baaka (levées de deuil)… mais aussi la toute première édition des Jeux aluku, en grandes pompes.
Huit équipes mixtes et intergénérationnelles, de huit participants des terres du Maroni se sont affrontées autour de huit épreuves de jeux traditionnels, sportifs et culturels.
Cinq équipes de Papaïchton ont disputé ces jeux, des écarts de Loka-Boniville, de Cormontibo, et trois autres du bourg.
Les communes de l’Ouest guyanais étaient aussi conviées. Trois ont pu faire le déplacement, grâce au soutien de leurs mairies : Maripa-Soula, Saint-Laurent et Apatou.
Elles n’ont probablement pas regretté de s’être déplacées puisqu’elles ont fini – dans ce même ordre – dans le podium.
Tous les participants sont repartis avec des médailles. Les trois premiers ont emporté de beaux trophées, pièces uniques, sculptés par l’artiste Carlos Adaoudé, sur du bois local et avec les codes de l’art tembe.
Sutu bo (tir à l’arc) ; fiingi lansi (tir au harpon) ; ali boto (remontée de pirogue) ; sitee puu boto (course de pirogue sur 300 mètres aller-retour) ; djulu (deux équipes s'affrontent sur un grand terrain tracé de couloirs, l'adversaire ne doit pas se faire toucher par l'autre, ce jeu s'apparente à l'épervier) ; sitee tyaa ebi (transport de charge) ; ali tetei (tir à la corde)… autant de jeux qui ont éprouvé les 64 participants et enflammé le public autour.
Un « parcours du marronnage* » a aussi challengé ces huit équipes. Il consistait en une série d’épreuves sportives, d’adresse, d’agilité́ et de culture générale sur un parcours donné. Ce parcours incluait les 2,3 km du sentier Amadou et une partie du bourg. Des énigmes et épreuves physiques étaient réparties sur plusieurs étapes de ce parcours.
Un clin d’œil à notre histoire commune : nos ancêtres ayant fui l’esclavage pour se réfugier en forêt,
commente Dondaine Pinson, un des instigateurs de ces Jeux. Élu à la mairie, il est aussi agent de développement et culture pour le Parc national à Papaïchton. Il poursuit :
Les Jeux aluku sont nés du constat de perte de tradition. Nous avons imaginé un événement permettant d’intéresser les plus jeunes à ces pratiques traditionnelles.
L’objectif semble de prime abord réussi : « Lors des épreuves aujourd’hui, nous avons vu que certains n’avaient jamais tenu un arc et une flèche, par exemple. En aparté, après les épreuves, certains nous ont demandé si on pouvait leur prêter le matériel pour qu’ils s’entraînent. On réfléchit à des ateliers futurs. »
Ce projet Jeux aluku est initié dans le cadre de la convention d’application entre la mairie de Papaïchton et le Parc amazonien de Guyane. L’objectif est de valoriser et assurer la pérennité́ des pratiques traditionnelles aluku au travers d’un évènement culturel, sportif et festif.
Latoya, l’une des participantes, capitaine de l’équipe de Loka, a « vraiment pris plaisir » malgré la difficulté physique de certaines épreuves. Son moment préféré ?
Le djulu ! Ça me rappelle mon enfance. On s’amuse bien au djulu, on se charrie…
Son équipe, qui a fini 4e au classement, attend déjà avec impatience la prochaine édition. Une équipe qui n’a pas manqué de festoyer avec les grands gagnants, la joie était véritablement partagée, laissant une belle dernière image pour clore cette belle première édition.
*Évasion des esclaves marrons.
Des ateliers culturels
En marge des épreuves sportives, des ateliers culturels étaient animés par des sachants locaux.
Irène Difou a transmis ses connaissances de couturière, experte en broderie traditionnelle ; l’association Miti naa wan a proposé une initiation à la danse awasa et au songe ; Joseph Ateni, expert du bois, a donné des leçons d’art tembe ; avec Sheddoe Water, on a pu s’essayer à la peinture sur ciel de case (maluwana).
Ces espaces culturels, à la vue de tous sur la place centrale, ne visaient pas la masse mais la qualité. Des poignées de jeunes habitants et de visiteurs ont pu prendre le temps d’observer et pratiquer, finalisant presque certaines œuvres.
Après l’accueil des équipes et la cérémonie d’ouverture, le vendredi soir, une soirée contes a réuni des enfants et des plus grands, sur la place de La Poste. Des histoires contées par Jeffan Assaïti et Collette Djani, venue de Loka.
Développer le territoire
Si les Jeux aluku favorisent la transmission des savoirs et savoir-faire traditionnels à l’échelle locale, ils visent également à rendre visible et valoriser la culture aluku et la destination « Papaïchton, capitale du pays boni » à l’échelle régionale. Le potentiel écotouristique est de fait réel, tant par sa riche biodiversité (mise en lumière au cours du dernier Atlas de la biodiversité communale) mais aussi par sa richesse culturelle.
Jules Deie, le maire de Papaïchton l'a confirmé lors de l'ouverture de l'événement :
Ces Jeux aluku, ce n'est que le début d'une aventure prometteuse, offrant une belle opportunité de découvrir les richesses de la capitale du pays boni
Des Jeux juniors
Les scolaires ont aussi pu s’affronter autour d’épreuves similaires, déjà l’an passé, puis cette année encore, lors d’une seconde édition. Le 28 juin dernier, 64 élèves se sont retrouvés pour une journée intense, placée sous le signe de la culture et du sport.
C’est l’école publique de l’écart de Loka qui a remporté les épreuves sportives. Et la classe de 6e est ressortie gagnante du mini-parcours du marronnage.
Qui sont les Aluku ?
Les Aluku font partie des six groupes de Noirs marrons vivant en Guyane et au Suriname : des descendants d’esclaves qui avaient fui les plantations hollandaises au XVIIIe siècle, et avaient trouvé refuge dans la forêt.
Les Boni sont un des derniers groupes à s’être formé vers 1769 sous les ordres de Boni, un grand guerrier. Un autre chef, Aluku, dirigeait le village.
Plusieurs guerres (notamment contre les Ndjuka) ont conduit les Boni à remonter le Maroni et s’établir le long du Lawa, en 1791.