Un patrimoine historique en danger
Les cases traditionnelles aluku, caractérisées par une petite taille, une utilisation majoritaire de bois (bois ronds et sciés), un toit en V inversé et souvent un Koppo (pignon) sculpté devant, sont de plus en plus rares. Pourtant, ces maisons expriment à elles seules le savoir-faire des bâtisseurs Alukus, ainsi qu’un mode de vie communautaire selon le lignage et la famille. De plus, elles forment le cœur historique de certains villages de Papaïchton où continuent d’être pratiquées les cérémonies traditionnelles ancestrales, telles que les veillées mortuaires, la mise en deuil (Brokodé) et la levée de deuil (Puu-Baaka).
Historique du projet
La prise de conscience des risques de disparition de ce patrimoine bâti a suscité de multiples sollicitations d’acteurs de Papaïchton depuis les années 90. Différents projets de restauration partielle ont ainsi été menés.
En 2008, la mairie de Papaïchton, en lien avec les chefs coutumiers, a initié un projet plus global de recensement du patrimoine bâti des écarts de Boniville et Loka en vue de sa sauvegarde et de sa valorisation. Celle-ci a alors sollicité le soutien du Parc Amazonien de Guyane (PAG) et la Direction des Affaires Culturelles de Guyane (DAC) en vue d’obtenir une expertise technique et, à terme, la possibilité de subventions pour la mise en œuvre d’un tel projet.
En 2012, un premier inventaire des maisons a été réalisé par le PAG et la Commune sur les écarts de Boniville et Loka. Sur cette base, un architecte a été missionné par la DAC en janvier 2013 pour réaliser une expertise technique de 22 cases traditionnelles et donner un avis sur leur classement en termes de patrimoine historique Aluku.
Ce travail technique a été complété par une mission de médiation culturelle conduite par la DAC et le PAG en partenariat avec la commune consistant à réaliser une enquête auprès des habitants, des propriétaires des maisons et des autorités Aluku présents sur la commune de Papaïchton. Celle-ci s’est déroulée de janvier à juillet 2014. Elle avait pour objectif principal d’appuyer la commune de Papaïchton dans la formulation de ses besoins et de ses attentes au regard de la préservation et la valorisation de son patrimoine culturel, principalement bâti.
Première phase de restauration du patrimoine bâti : objectifs
Depuis début 2016, la commune de Papaïchton s’est engagée en tant que maître d’ouvrage sur une première phase de réhabilitation de 6 maisons. Ce projet bénéficie du soutien financier de la DAC dans le cadre de son dispositif Compagnonnage du fleuve, de la fondation du patrimoine, du CNES et du PAG. Le Parc apporte également un appui technique à la mairie pour la conduite de ce projet.
L’objectif est la sauvegarde et la valorisation du patrimoine bâti Aluku. La notion de patrimoine intègre le bâti en soi ainsi que les savoirs et les savoir-faire qui lui sont associés. La sauvegarde du bâti s’accompagne donc de la transmission des savoirs et savoir-faire relatifs à sa construction.
La transmission de ces savoir-faire dans le contexte actuel nécessite de prendre en compte les spécificités techniques relatives à ce patrimoine et leur évolution. Les maisons traditionnelles de Boniville et Loka témoignent de modèles constructifs et de techniques caractéristiques du patrimoine Aluku, dans une dimension dynamique qui s’adapte à l’évolution des moyens et matériaux. Certaines maisons ou certaines parties de maisons témoignent aussi de techniques de coupe de bois qui sont rarement utilisées de nos jours, notamment avec l’évolution des outils (arrivée des tronçonneuses et matériels de coupe). Ainsi, la rénovation ou la construction de maisons de ce type nécessite à la fois des savoirs et savoir-faire relevant de techniques traditionnelles et des savoirs et savoir-faire relevant de techniques plus contemporaines. L’un des enjeux, à travers ce projet, est donc de trouver une articulation pour valoriser les savoir-faire traditionnels tout en contribuant à l’émergence d’activités relatives à la construction bois qui soient adaptées au contexte socio-économique actuel.
Un processus d’apprentissage conçu autour de 3 acteurs
Pour une articulation cohérente entre savoir-faire traditionnels et savoir-faire contemporains, le projet a été conçu autour de 3 principaux acteurs pour la conduite des chantiers :
- Des ouvriers apprentis bénéficiaires d’une formation-action sur les techniques de construction traditionnelles et les techniques de construction contemporaines.
- Un expert local (« sachant ») chargé de la transmission des savoirs et savoir-faire traditionnels et de la bonne mise en œuvre des techniques transmises.
- Un encadrant chargé de la transmission des techniques de construction conventionnelles et de la bonne articulation entre ces techniques et les techniques traditionnelles. Cette personne est aussi chargée du suivi des ouvriers apprentis, et notamment de leur évolution dans l’acquisition des savoir-faire.
Où en est-on aujourd'hui ?
A ce jour, la première maison de Boniville, maison du Gaan Man Awinsaï a été reconstruite. Cette maison, totalement écroulée a fait l’objet d’une reconstitution sur la base de photos. Le chantier a été mené par 3 ouvriers communaux et un encadrant charpentier maîtrisant L’architecture générale a été reprise à l’identique. Certains matériaux ont été modifiés par rapport à la maison d’origine : dalle en béton au lieu de dalle en terre battue pour le sol, bois de bardage au lieu de planches pour les mûrs. Les chefs coutumiers souhaitent que cette maison puisse servir de lieu de réunions.
La rénovation des 5 autres maisons doit se poursuivre durant le courant de l'année 2019.