Expérience atypique à Antecum-Pata, à l’initiative de l’association Ilupawa (présidée par Ruth Bidiou). L’association a introduit une nouvelle approche éducative dans l’école de ce petit village du Haut-Maroni. L’institutrice, Milca Sommer-Simonet, également membre de l’association qui a orchestré le projet, témoigne :
Le but était de créer une école bienveillante où les enfants s’épanouissent, sans rupture brutale avec la maison. Une école respectueuse des enfants et à l’écoute de leur rythme, favorisant la réussite scolaire
Boulier, échiquier, divers plateaux, boîte de symboles de grammaire, cercle de fraction, cabinet géométrique, etc. Près de quarante jeux et supports ont animé le quotidien des enfants. Du matériel venu de l’Hexagone, financé grâce aux fonds européens du programme Leader, via le Gal Sud Guyane*. Et complété d’un métier à tisser pour les perles puis d’un métier de confection de porte-bébé, confectionnés, eux, par des artisans locaux.
« Dès que l’un maîtrisait, il montrait à l’autre »
« Le matériel a été acquis entre septembre 2021 et fin 2022, rapporte l’enseignante. Nous avons commencé progressivement à intégrer le matériel didactique Montessori dans l’exercice quotidien de l’enseignement dans la classe. Et lors de journées nationales des maths et du français, nous avons pu utiliser ce matériel avec toutes les classes de l’école du village. »
Lors de l’année scolaire 2021-2022, Milca a ainsi encadré 22 élèves allant de 8 à 10 ans (CE2 à CM2). L’année suivante, 15 (CM1 et CM2). Elle a eu le plaisir d’en retrouver certains, accompagnés l’année d’avant.
Ce qui était gratifiant à observer, c’est l’autonomie progressive des élèves et notamment l’entraide. « On les laissait découvrir le matériel seuls. Ils étaient curieux. Dès que l’un maîtrisait, il montrait à l’autre, commente l’institutrice. C’est la procédure aussi qui est intéressante. L’objectif n’est pas tant que l’enfant vous livre le bon résultat d’une opération mais qu’il comprenne le processus pour y arriver. »
Un plus large projet de cohésion communautaire
Cette méthode Montessori s’est bien intégrée dans un projet plus large de l’association, qui a par ailleurs mis en place des ateliers de cohésion, avec l’aide du Parc amazonien, dans le cadre de son Appel à propositions.
Des ateliers mobilisant différentes techniques d’expression, dans le but de faire émerger des idées et des projets d’intérêt collectif. Ils ont touché une soixantaine de personnes sur divers villages du Haut-Maroni.
Nous avons également saisi l’opportunité des ateliers de cohésion pour montrer le matériel et faire connaître ce projet pédagogique dans les différentes communautés environnantes. Il en est sorti des demandes de pouvoir utiliser cela pour des remises à niveau des adultes.
Et après ?
Si l’institutrice prend sa retraite de l’Éducation nationale, la bénévole, elle, restera bel et bien active et a déjà pleins d’idées avec le soutien de son association. « J’aimerais retourner à Antecum-Pata et dans d’autres villages, hors temps scolaire, pour proposer aux élèves des cours de soutien, avec ce matériel », évoque Milca.
Les élèves de la toute nouvelle « 6e connectée » devraient également pouvoir en bénéficier. De quoi créer – en plus – de l’animation sur le Haut-Maroni et prévenir les conduites à risque chez les jeunes : autre objectif affiché par Ilupawa.
*Le Groupe d’action locale (Gal) Sud Guyane assure la mise en œuvre
du programme Leader sur le territoire concerné par le Parc amazonien.
Rappelons que Leader (pour Liaison entre actions de développement de l’économie rurale)
est un programme européen qui vise à soutenir le développement des territoires ruraux.
Lien avec la transmission
Dans cette classe, le lien s’est aussi naturellement fait entre l’approche Montessori et les ateliers de transmission, proposés par le Parc amazonien, dans le cadre du dispositif Mapacultur (également financé par Leader).
À Antecum, les ateliers étaient portés sur la perlerie et la vannerie. Les mathématiques, le français ou le wayana, étaient mobilisés tout autant. Milca Sommer Simonet raconte : « Les enfants ont fait le lien entre le cabinet de géométrie, par exemple, et les motifs sur les vanneries ou les bijoux en perles. Avec ma collègue, Aurélia Stefani, nous les faisions aussi verbaliser ce qu’ils voyaient. Ils recherchaient les noms des formes et motifs aussi bien en français et qu’en wayana.